Il existe de nombreuses fausses idées à propos du papier, de sa fabrication, de son impact environnemental et de ses propriétés. Nous recevons parfois de la part de nos clients des remarques et des questions concernant l’ondulation des livres que nous imprimons, comme s’il s’agissait de quelque chose d’anormal, de la preuve d’un papier de mauvaise qualité ou même d’un vice de fabrication.

Bien que, selon la formule bien connue d’Albert Einstein il soit « plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé », nous allons tenter de vous expliquer dans cet article comment réagit le papier lorsqu’il est confronté à des variations d’humidité, et vous démontrer que ce support principalement composé de fibres végétales (la cellulose de bois) est une matière organique qui demeure en relation constante avec son environnement, au même titre que le bois.

La théorie : pourquoi le papier réagit-il à l’humidité ?

La notion d’hygrométrie

Si vous avez la chance d’avoir des portes en bois dans votre logement, vous savez que lorsque le temps est humide, elles ont tendance à gonfler et donc parfois à frotter sur leur cadre. A contrario, lors des hivers particulièrement secs du Québec, il arrive qu’un jour apparaisse sur leur contour. On dit alors que le bois « travaille ».
C’est exactement la même chose avec le papier : ce dernier contient principalement des fibres de cellulose de bois, auxquelles on ajoute certains minéraux et des produits chimiques pour le rendre plus résistant au déchirement. Comme le bois, le papier est un corps poreux qui contient de l’eau, à la fois sous forme gazeuse, dans ses pores, et sous forme liquide dans ses réseaux capillaires.

On dit que le papier est une matière hygroscopique, c’est-à-dire qu’il absorbe l’humidité de l’air et est donc sensible aux variations hygrométriques. Cet échange constant d’humidité avec l’air ambiant fonctionne dans les deux sens : soit le papier est en absorption, soit en désorption.

Source : Richard Wheeler (Zephyris)

C’est lors de cet échange qu’apparaissent des modifications structurelles. On pourrait dire que le papier a de grandes affinités avec l’eau et même qu’il est amoureux d’elle puisqu’il est hydrophile !

La composition du papier

Le papier est une matière principalement constituée de fibres de cellulose de bois. Il existe deux types de pâte à papier :

  • La pâte chimique, qui utilise les fibres longues de l’épicéa, est obtenue en faisant bouillir des copeaux de bois ;
  • La pâte mécanique, qui est produite par broyage des fibres courtes provenant du bois de feuillus, comme le bouleau. On y ajoute souvent des fibres longues provenant de la pâte chimique afin de donner au papier une plus grande solidité.

Ces indications sont très générales, car la pâte à papier est en fait le résultat de savants mélanges qui sont le fruit d’une ingénierie complexe, afin de répondre aux évolutions des besoins du marché.

Source : Salamandre

Source : Salamandre

Le métier de la papeterie consiste à travailler la pâte, en la battant, puis en la raffinant en lui ajoutant différents composants afin de lui donner sa qualité et sa résistance. Ces composants sont :

  • La colle, autrefois un mélange d’alun et de colophane (résine de pin), est dorénavant à base d’amidon. Elle procure au papier une meilleure résistance à l’eau et au déchirement ;
  • Pour les papiers couchés, on utilise des minéraux, comme le carbonate de calcium, le kaolin ou parfois des latex synthétiques afin d’obtenir un aspect lisse ;
  • Puis on ajoutera, si besoin, des pigments pour obtenir une meilleure opacité ou bien encore colorer le papier, comme dans le cas du papier crème ou bien avec des azurants qui permettront d’augmenter la blancheur du papier.

L’évolution de la qualité du papier

Depuis une vingtaine d’années, les papetiers confrontés à la baisse des volumes et à la difficulté d’augmenter leurs prix, ont été contraints de trouver des économies : sur l’énergie, la main d’œuvre et les composants utilisés.

C’est ainsi qu’ils ont progressivement remplacé le kaolin utilisé dans la composition du papier couché par du carbonate de calcium, beaucoup moins cher, mais dont les propriétés ont dégradé le comportement mécanique du papier face aux phénomènes de variations de température. Les rotativistes offset connaissent très bien ce problème, eux qui utilisent des fours pour sécher l’encre et extraire l’eau du papier. Le papier aura tendance à « tuiler » davantage en sortie de presse.

Les clients estiment souvent que cela est dû au fait que leur imprimeur utilise du papier de mauvaise qualité, ou bien que leur machine est mal réglée, ce qui est absolument inexact. Des centaines de tests ont été réalisés avec des ingénieurs et des laboratoires divers et variés, sans que le phénomène puisse être contrecarré. La qualité a un prix.

Un traitement de calandrage peut être pratiqué en bout de chaîne pour donner au papier un aspect satiné ou même brillant.

Source : Paprec

Enfin, le papier est coupé en feuilles ou débité en bobines, puis emballé. Pour la première catégorie, le papier, au moment de son emballage, possède une humidité relative d’environ 50 %, alors qu’en bobine, ce taux se situera plutôt autour de 40 %. Pour que le papier conserve la même humidité jusqu’à l’impression, l’emballage contient une doublure spéciale. Vous pouvez tout à fait renverser de l’eau sur une bobine ou une rame de papier bien emballées sans en altérer la qualité. Le bain prolongé est bien entendu déconseillé.

Pour en terminer avec la composition du papier, notez bien que la molécule de cellulose est également présente dans le coton, le lin et le chanvre qui sont encore utilisés pour des papiers d’art.

Pour en savoir plus, lisez notre article : « Livre de photos en couleur ou tirages d’art : quel papier choisir ? »

La réaction du papier aux variations du taux d’humidité

Vous avez sans doute remarqué que l’ondulation du papier se produit surtout pendant les périodes humides de l’été ou bien au cours des périodes de redoux, en mars et en avril, lorsque le thermomètre remonte vers des températures positives. Si l’humidité du papier est différente de celle de l’environnement, il aura tendance à « tuiler » pendant quelques jours. Si l’air de votre bureau est particulièrement sec, vous verrez le même phénomène se produire en plein hiver.
Ce tuilage s’explique par le fait que la reprise d’humidité s’effectue d’abord par les bords du papier. Comme le centre de la feuille reste plus sec ou plus humide que l’extérieur, il se crée une tension dans la feuille qui se manifeste sous la forme d’une ondulation.

Dans le cas où la fibre de papier absorbe un surcroît d’humidité on observe une augmentation du diamètre des fibres. Une différence d’humidité relative de 10 % peut provoquer une modification de 0,1 % dans le sens de la hauteur du livre et de 0,2 % dans le sens de la largeur.

Comme le transfert d’humidité s’effectue exclusivement par les bords, c’est à cet endroit que vous observerez la déformation.

Source : Rotronic

Un livre aura même tendance à conserver plus longtemps cet écart d’humidité entre l’extérieur et l’intérieur qu’une rame de papier pour deux raisons :
  1. La couverture laminée empêche l’humidité de pénétrer dans le papier par le dessus et le dessous du livre ;
  2. La colle dans le dos du livre bloque le passage de l’humidité et comme avec tous les phénomènes d’échange thermodynamique, les entonnoirs sont des pièges à humidité.

Comme il est écrit sur le site du Ministère de la Culture du Québec à propos des fibres du papier : « En présence de l’humidité, elles prennent de l’expansion et gondolent. Lorsque le milieu devient sec, elles se contractent et rétrécissent. Ce phénomène peut provoquer une tension dans le papier, tout particulièrement lorsque ces changements sont brusques, répétés et de grande amplitude. »

Le même site ajoute : « En Amérique du Nord et notamment au Canada, il est extrêmement difficile de maintenir une humidité relative de 50% en hiver sans créer de condensation. »

En pratique : comment le papier réagit-il à son environnement ?

L’arrivée dans l’atelier d’impression

Il est généralement admis dans l’industrie que le taux d’humidité relative des ateliers doit toujours être compris entre 35 et 55 %. C’est le cas chez Rapido.
L’emballage des rames de papier permet de limiter l’impact de l’humidité sur le papier, notamment pendant le transport du moulin jusqu’à notre atelier. Il faut ensuite attendre environ 24 heures avant de l’imprimer, afin qu’il reprenne progressivement la même température que l’atelier. Quand il fait -20°C à l’extérieur, c’est évidemment un peu plus long. Ce sont des paramètres que nous avons l’habitude de gérer.
Puis le papier est sorti de son emballage quelques heures avant son utilisation en respectant des règles bien établies, qui seules garantissent à la fois la productivité des presses et la qualité d’impression.
Si ce taux chutait au-dessous de 40 %, cela se traduirait par un changement de forme (ondulation), de dimension mais aussi de propriétés physiques du papier comme la charge électrostatique qui peut faire que les feuilles restent collées ensemble. C’est pour cette raison qu’à Montréal, tous les ateliers d’impression ont un taux d’humidité qui est contrôlé et régulé.

L’influence des saisons et des vents

Vous l’avez compris, pour le papier, comme pour un immeuble, les échanges de température et d’humidité entre l’intérieur et l’extérieur sont permanents. C’est la loi de la thermodynamique.
Dans l’Est du Canada, l’air est moins chargé en vapeur d’eau pendant l’hiver. A cette saison, les vents d’ouest et du nord-ouest dominants nous apportent un air continental plus sec. Les précipitations sont également plus rares.

Par ailleurs, vous ne le saviez peut-être pas, mais Montréal est l’une des villes qui utilise le plus de sel au monde pour dégeler ses routes et ses rues, ce qui produit, même lorsque le froid est intense, une augmentation de l’humidité de l’air pendant les périodes neigeuses. Nous devons vivre et travailler avec ce paramètre supplémentaire.

Source : Radio Canada

La météo des mois de mars, avril et novembre est particulièrement instable. On alterne alors entre des périodes de froid et d’autres où il fait plus doux. Avec des températures négatives la nuit et positives le jour, les variations du thermomètre entraînent de brusques écarts au niveau de l’humidité de l’air. C’est en général à cette période que nous recevons le plus de messages de nos clients pour nous dire que les livres ondulent sur les bords.

Le transport des livres

Le livre verra évidemment son taux d’humidité varier pendant son transport. Voici ce qui se passe lorsque vos livres quittent notre atelier pour être livrés chez vous ou chez votre distributeur :

  • Les livres bien emballés dans des boîtes en carton sont protégés des chocs mais pas vraiment des variations d’humidité car le carton lui aussi est hydrophile ;
  • Lorsqu’ils passent une nuit à l’arrière d’un camion où il peut geler ou dans un centre de logistique peu chauffé, le papier perd de son humidité. S’il pleut, ce sera le contraire ;
  • Parvenu sur votre bureau, où le taux d’humidité est sans doute plus faible qu’à l’extérieur, le papier aura tendance, au bout de quelques heures, à tomber autour de 30 % d’humidité relative. Si vos locaux sont chauffés par des calorifères électriques, il est probable que l’air sera très sec. C’est à ce moment qu’apparaîtront peut-être des déformations sur le bord de vos livres.

Conclusion : que faire avec des livres dont le papier ondule ?

L’ondulation du papier n’est pas un problème de qualité du papier ni la conséquence d’une mauvaise utilisation de la part de votre imprimeur préféré. Aussi frustrante que soit cette réponse, vous aurez compris qu’il s’agit d’un phénomène naturel, intrinsèque à la nature organique du papier. C’est une donnée incontournable.

Si cela vous arrive, que faut-il faire ? Attendez un ou deux jours que l’échange d’humidité soit mieux réparti à l’intérieur du livre ! Et si la météo se rétablit, il est probable que cette ondulation disparaîtra encore plus rapidement. Vous pourrez vous dire que vous avez fait l’expérience qui démontre que le papier est une matière hygroscopique.

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