Par Simon Dulac,
Président de Rapido Livres

Nous vous présentons nos meilleurs vœux pour 2023. Nous formons les mêmes souhaits pour tous ceux qui font partie de notre grande communauté : nos collaborateurs, nos clients, nos fournisseurs et nos confrères. Nous souhaitons également le meilleur à tous les membres de notre filière professionnelle, libraires et distributeurs.

À l’aube de cette nouvelle année, il nous apparaît important de nous questionner sur ce qu’elle devrait nous réserver et sur les raisons qui expliquent les changements à venir.

Savez-vous que les mots économie et écologie possèdent la même racine en grec ancien ? Le vocable oïkos, qui désigne la maison. L’étymologie nous dit même que ces deux mots possèdent exactement le même sens, soit la gestion de la maison. On parle d’ailleurs d’une gestion de bon père de famille, par opposition aux aventures de la spéculation débridée.

Aujourd’hui plus que jamais, nous devons prendre conscience que nous faisons partie d’un écosystème qui, fort du rôle qu’il joue dans la culture de notre grand pays, doit préparer son avenir en diminuant l’utilisation qu’il fait des ressources, pour des raisons de coûts et pour la protection de notre environnement.

Depuis l’origine, Rapido a fait de l’économie des ressources sa spécialité. Lorsque nous avons proposé notre modèle d’impression rapide aux éditeurs canadiens en 2013, nous étions sans doute un peu en avance sur le marché. Les premières années furent un peu difficiles et, il nous est arrivé parfois, d’avoir l’impression de prêcher dans le désert. Nous n’avons pourtant pas démordu de notre conviction : que grâce à la technologie moderne, la meilleure solution était d’imprimer la quantité de livres dont on a besoin, et pas un de plus.

En matière d’anticipation, on cite souvent la célèbre phrase d’Emile de Girardin, grand novateur dans le monde de la presse du XIXe siècle : « Gouverner c’est prévoir », mais on oublie souvent la suivante : « Ne rien prévoir, ce n’est pas gouverner, c’est courir à sa perte. » Poursuivre sur la trajectoire de la croissance à tout prix serait condamnable. Se résigner face à l’ampleur de la tâche serait impardonnable. Si nous ressentons une forme d’urgence face à l’augmentation des prix du papier, nos deux plus grands ennemis s’appellent l’immobilisme et la panique. Au moins cet électrochoc de l’inflation aura-t-il été le déclencheur de la réduction des tirages.

Par Simon Dulac,
Président de Rapido Livres

Si on agite trop souvent la peur de la pénurie, la vraie question, c’est plutôt celle des coûts. Dans un environnement où tous les prix augmentent simultanément, la surproduction, qui était encore de mise il y a deux ans, n’est tout simplement plus envisageable. Chez Rapido, nous nous en réjouissons.
N’en déplaise toutefois aux plus optimistes d’entre nous, la probabilité que le monde devienne plus instable en 2023 ne doit sûrement pas être écartée. La transition d’un modèle à l’autre ne sera pas un long fleuve tranquille. Pour qu’un monde nouveau surgisse, il faut qu’un ancien disparaisse. Et en général, cela s’accompagne de soubresauts.

Quelques livres pour alimenter notre réflexion

Signe des temps, la bande dessinée Le monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique de Jean-Marc Jancovici et de Christophe Blain a atteint des records de vente en France en 2022. M. Jancovici est un expert internationalement reconnu pour les questions d’énergie. Ce livre illustre parfaitement à quel point notre monde moderne ne serait pas devenu ce qu’il est sans une énergie abondante et bon marché. Nous vous encourageons à le lire et même à l’offrir. C’est un très bon livre, bourré d’informations et plutôt distrayant. Les constats sont rudes, mais après quarante années d’aveuglement sur les limites physiques de notre développement économique, il semble bien que nous ayons rendez-vous avec l’histoire. Ce succès de librairie démontre également que ce sujet préoccupe de plus en plus nos contemporains.

Petit retour en arrière, c’est le livre de Rachel Carson, Printemps silencieux, paru en 1962 qui lança le mouvement écologiste. A l’époque, ce livre coup de poing alerta l’opinion publique sur les risques de l’utilisation des pesticides à base de DDT, finalement interdit aux Etats-Unis en 1972. Pourtant, l’utilisation excessive de produits chimiques s’est poursuivie et a entraîné la disparition de 20 % de la faune aviaire au cours des quarante dernières années, selon BirdLife International et la Royal Society for the Protection of Birds.

Plus récemment, le livre La maison brûle de Naomi Klein publié en 2019 au Québec, nous a alertés sur les raisons de notre inaction et suggéré qu’un New Deal vert soit mis en place sans attendre. Nous partageons avec l’auteure la conviction qu’il faut, sans attendre, engager nos sociétés dans la construction d’un monde nouveau, afin de stopper la destruction de notre maison : la Terre. Soyons objectifs, c’est le mode de vie des pays les plus développés, comme le nôtre, qui ont créé et continuent de créer les plus gros dégâts. A cela s’ajoute la dégradation de plus en plus préoccupante de l’état moral de nos concitoyennes et de nos concitoyens face à la montée de l’urgence climatique.

Pour finir sur une note un peu plus positive, nous vous recommandons la lecture du livre d’Emmanuel Druon : Ecolonomie : entreprendre sans détruire. A partir du constat qu’il est plus économique de produire de façon écologique, Emmanuel a transformé, depuis 25 ans, son entreprise Pochéco, qui fabrique des enveloppes, afin d’atteindre l’autonomie totale en eau et en électricité, d’assurer un recyclage de tous ses déchets et de se passer de tous les produits polluants. Avec le temps, Emmanuel et son équipe ont étendu leur champ d’action au reboisement, à l’épuration des eaux usées par des méthodes naturelles, mais aussi à la permaculture, pour limiter au maximum l’impact de leur empreinte écologique. Pochéco est une des entreprises modèles qui sont présentées dans le film Demain. Rapido travaille d’ailleurs avec le bureau d’études de cette entreprise sur ses projets d’avenir, afin de réduire au maximum ses impacts environnementaux.

Il nous paraissait important de nous appuyer sur ces livres afin d’élever le débat et de définir le contexte dans lequel nous évoluons. Nous publierons d’ailleurs bientôt un article intitulé Comment les livres ont changé le monde. Plus que jamais, il devient urgent de mettre nos actes en concordance avec nos paroles. Chez Rapido, nous pensons qu’il vaut mieux s’imposer des contraintes plutôt que de les subir.

Nous avons tous en mémoire ces quelques phrases tirées du discours d’Albert Camus lorsqu’il reçut le prix Nobel en 1957 : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » Nous vous invitons à relire ou réécouter ce message humble et beau qui s’adresse à nous avec une étrange actualité. Notre liberté repose sur notre sens des responsabilités.

Les constats sont faits

Il n’est pas nécessaire de rappeler toutes les prévisions qui nous alertent depuis des années sur le fait que la croissance gaspilleuse n’est plus soutenable. Face à la dégradation de l’environnement, la prise de conscience de l’opinion est évidente. Les solutions technologiques qui devaient résoudre l’équation du réchauffement climatique, sans remettre en question nos modes de consommation, commencent à avoir du plomb dans l’aile. Il faut bien se l’avouer : les performances des voitures électriques, des éoliennes et des panneaux photovoltaïques sont décevantes.

Alors, à moins d’opter pour un retour au mode de vie de nos arrière-grands-parents, la sobriété est sans doute le chemin le plus court vers la diminution de la pollution au sens large. Au lieu de fustiger l’industrie pour ses dérives, il vaudrait mieux utiliser les trésors d’intelligence et de compétence qu’elle recèle car ils lui permettent de réaliser année après année des progrès incontestables. N’oublions pas non plus qu’un monde sans industrie, c’est un monde de pauvreté.

Nous ne croyons pas non plus qu’il faille culpabiliser les citoyens sur leurs comportements. Il vaudrait mieux les encourager à faire de meilleurs choix et notamment à consommer local. Notre avenir repose sur les circuits courts, la productivité et sur des choix courageux… et sûrement pas dans la punition et le découragement dont les censeurs médiatiques se sont fait une spécialité.

Vous comprenez bien que notre propos consiste à sortir de tous ces débats stériles où l’on cherche des coupables. Il est évidemment plus facile d’accuser les uns ou les autres plutôt que de s’engager dans l’action. Chaque nouveau chemin dans lequel nous nous aventurons comporte son lot de risques, alors que le bavardage n’a jamais de comptes à rendre à personne. Enclencher la mobilisation générale de la population dans un grand projet de société serait plus efficace pour surmonter les immenses défis qui nous attendent au lieu d’annoncer la fin des temps. La société qui s’est détricotée sous les assauts de l’individualisme, du confort et du progrès technique a besoin d’être réparée. Cela ne passera sûrement pas par des discours démagogiques, mais par ce que notre espèce possède de meilleur : notre intelligence collective chère au philosophe John Dewey.

Dans notre métier, les conditions sont aujourd’hui réunies pour amplifier le virage vers la production à la demande. Primo, la technique est au point. Deuxio, nombre d’éditeurs sont conscients de la menace que représente l’augmentation du prix du papier et affirment qu’ils veulent réduire leurs tirages de tête pour réimprimer à la demande. Tertio, les distributeurs ne se gênent plus pour dire qu’ils ne peuvent plus supporter les niveaux de stockage actuels. Nous sommes donc tous d’accord. C’est pour cela que nous allons, tous ensemble, nous engager sur la voie de la transition. Le temps d’agir est venu.

Il est trop tard pour avoir peur, il faut bifurquer

Le temps de l’imagination est venu. Les solutions du passé (la délocalisation et la production de masse) ne sont plus à la hauteur des immenses défis engendrés par la dégradation de l’environnement et des chocs géopolitiques. Si vous y ajoutez le vieillissement démographique, l’équation va devenir de plus en plus compliquée.
Chez Rapido, nous restons pourtant optimistes, car chez nous, c’est déjà demain. Avec notre équipe qui s’est encore enrichie de nouveaux talents ces derniers mois, nous construisons jour après jour ce modèle où le gaspillage disparaîtra progressivement. En production, nous ne « gâchons » déjà plus aucun livre sur la plupart de nos productions, sans jamais rien sacrifier à la qualité.
Notre système est tellement souple, qu’on peut nous commander absolument n’importe quelle quantité de livres entre 1 et 1 000 exemplaires : 1, 2, 8, 15, 20, 25, 63, 80, 122 ou même 999 et ne facturons que la quantité qu’on nous a commandée.

Depuis deux ans, grâce à notre offre EasyRapido, nous travaillons avec plusieurs éditeurs sur la gestion de leurs inventaires pour produire des commandes adaptées à leurs besoins. Cette solution franchira en 2023 une nouvelle étape. Nous vous en reparlerons le moment venu.

Chez Rapido, nous sommes particulièrement optimistes parce que nous croyons que les difficultés qui s’annoncent vont rebattre les cartes en redonnant :
  • Au savoir-faire la place qu’il mérite ;
  • Plus de liberté et de reconnaissance pour ceux qui prennent le risque d’innover et d’entreprendre.
Lors d’un discours qu’il avait prononcé à la Sorbonne, à Paris, Théodore Roosevelt s’était exprimé sur cette question avec un superbe lyrisme :
Ce n’est pas le critique qui compte, celui qui montre du doigt l’homme qui a trébuché ou qui explique comment on aurait pu mieux faire.

Tout le mérite revient à celui qui descend vraiment dans l’arène, dont le visage est couvert de sueur, de poussière et de sang, qui lutte vaillamment, qui se trompe, qui échoue encore et encore – car il n’y a pas d’effort sans échec – mais qui fait son maximum pour progresser, qui connaît de grands enthousiasmes, qui se consacre à une noble cause, qui au mieux connaîtra in fine le triomphe de l’accomplissement et qui, au pire, s’il échoue, aura osé avec audace, et saura que sa place n’a jamais été parmi les âmes froides et timorées qui ne connaissent ni la victoire ni l’échec.

Théodore Roosevelt
Avril 1910
Discours à La Sorbonne
Théodore Roosevelt
Avril 1910
Discours à La Sorbonne

Il n’est de richesses que de femmes et d’hommes

Il y a dix ans, lorsque ma femme, nos enfants et moi avons quitté notre pays natal, la France, nous souhaitions prendre un second départ, vivre une nouvelle vie. Dans cette perspective, nous voulions bâtir un modèle d’affaires innovant. Grâce à la confiance de nos clients, sans qui rien n’aurait été possible, nous avons pu construire cette équipe de femmes et d’hommes de qualité, tous dédiés à ce projet qui nous rend si fiers. Un membre de ma famille m’a dit récemment : « Votre histoire, c’est un hymne à la vie. »

Ajoutons que toutes et tous nos collaborateurs sont d’origines et de cultures variées : le Québec est bien-sûr représenté, mais aussi l’Ontario, les Antilles françaises, la France et quelques pays plus lointains comme la Bolivie, l’Equateur et le Venezuela. La culture chinoise et la culture turque y ont également leur place. Bref, c’est une belle palette avec laquelle nous avons envie de peindre un avenir plus joyeux, un monde en couleur plutôt qu’en noir et blanc.

Dans son livre L’écolonomie : entreprendre sans détruire, Emmanuel Druon écrit : « Nous sommes vivants. Parce que devant chaque défi surgit une proposition originale. On se décale. On invente. On se groupe. On parle. On pense. On rit. L’atmosphère se tend, on s’explique. Nos passés nourrissent, d’une différence à l’autre, des idées que nous explorons ensemble. Une force nous vient sûrement de la complicité qui avec les années s’est installée. Le mouvement permanent attise le feu. »